Portrait : Philippe TRAVERSIAN
“Je n’y aurai jamais cru !”
Le pizzaïolo devenu comédien
Flingue en main face à Simon Abkarian dans "Les beaux mecs", truand mal en point dans "La French" en tête à tête avec l’oscarisé Jean Dujardin, Marco Panzani d’origine italo-Corse, ça ne s’invente pas, n’a peut-être rien d’un mangeur de pâtes, mais il a bel et bien gagné sa vie durant des années en tant que pizzaïolo !!
Aujourd’hui encore il n’en revient pas lui-même d’une telle trajectoire ! Son parcours est atypique et déconcertant, dans le style improbable, on fait difficilement mieux…. Il faut dire qu’avec sa gueule de maffieux, il possède un physique idéal pour les films de genre siglés Martin Scorcèse.
Dans son appartement des Buttes Chaumont, café dégusté sur un bar incitant à la confidence, Marco se dévoile pas à pas. Cet enfant du Sud, né au Canet, ne crache pas le morceau aussi facilement. Et il est loin d’avoir perdu son fort accent marseillais le bougre.
Marco arrête les études à 16 ans, bosse direct dans la pizzéria des parents pour son argent de poche. Sans bagages, comme il le dit lui-même, il enchaîne tout un tas de petits boulots.
« J’ai toujours travaillé, pas mal d’intérim, un jour ici l’autre là » explique –t-il, « Une place fixe, ça ne m’intéressait pas. Je ne me voyais pas du tout faire la même chose toute ma vie, être prisonnier d’un crédit, d’enfants à élever etc…….. ».
Cette liberté est en fait ce qui lui convient. La suite le confirmera. Il fait son Tanguy jusqu’à 27 ans. « Mais j’étais autonome, mes parents m’ont toujours laissé libre ».
Dans la continuité, il s’achète un camion au début des années 90 et part vendre ses pizzas. « A cette époque je voulais gagner beaucoup d’argent. Aujourd’hui je m’en moque un peu du moment que je fais ce que j’aime ».
La liberté absolue, au soleil, près de la Canebière ou ailleurs, au gré de ses envies. « Je travaillais trois heures par jour, je vivais correctement. Je faisais aussi beaucoup la fête, les boîtes, les parties de poker ».
Mais c’est l’année où il perd son papa et décide de changer de vie. « J’ai liquidé mon affaire, laissé mon appart, et je suis parti à Paris ».
Sans objectif précis, avec pour seul repère une amie parisienne qui accepte de l’héberger.
« Paris m’attirait, je voulais partir, sans savoir vraiment pourquoi. Pour moi à l’époque, je ressentais un fort attrait pour la Capitale, c’était comme Las Vegas et en même temps, c’était le bout du monde ! A 32 ans, j’ignorais totalement ce que j’allai faire ».
Premier job dans la sécurité à Orly, la nuit, le jour, il enchaîne encore les petits boulots, chauffeur-livreur. Il découvre la figuration, mais à dose homéopathique. ‘’Doberman’’ de Ian Kounen. Une par an pas plus.
« J’étais émerveillé, ça me fascinait. Mais j’étais à des années lumières de ce milieu. En plus, j’ai toujours été timide. Pour moi, c’était impossible ! ».
Pourtant, Marco a toujours été subjugué devant l’émotion ressentie par les sportifs vainqueurs de grandes compétitions. « Le type montant sur le podium, c’est très fort, je rêvais de ressentir ce genre de moment intense, exceptionnel. Moi je pleure quand j’entends la Marseillaise, le drapeau qui monte pour la médaille d’or aux JO ».
Les planches ? Le public applaudissant un succès ? L’émotion ressentie serait-elle aussi puissante ?
Le vrai déclic attendra les années 2000 pour se réaliser. « Je voulais savoir si j’étais capable et j’ai cherché un cours de théâtre. J’en ai écumé pas mal avant de trouver le bon. Je flippais trop. Je regardais mais je partais, j’avais la trouille ».
Karine au théâtre de la Main d’Or lance un nouveau cours axé sur le one man show et l’occasion lui semble idéale. « J’ai lu un texte avec la tremblote. Encouragé, je me suis inscrit. J’y ai consacré mon budget cigarettes, nous étions une dizaine deux à trois fois par semaine dans un vrai théâtre ».
18 mois plus tard, en 2003, Marco joue son one man dans ce décor ! Incroyable !
« Avoir écrit ce spectacle est ma plus grande satisfaction » insiste-t-il, « car je ne savais même pas rédiger un courrier ! C’est en voyant le spectacle de Jean-Luc Lemoine que j’ai eu le déclic d’écrire. J’avais des idées, mais comment formuler un sketch ? Mon premier s’intitulait ‘’Les gestes qui sauvent’’. Il a cartonné, a été repris. Les gens riaient, ça marchait. J’avais trouvé mon propre style. Je ne m’inspire pas de ma vie mais de ce que je ressens. Par exemple sur un huissier qui met toute une famille dehors, à partir d’un reportage que j’avais vu à la télé ».
Une discipline très difficile, école de la scène sans pitié parfois, quand les gens ne rient pas. Le célèbre ‘’Point Virgule’’ l’accueille en 2004 et 2005.
Télé, puis Radio avec Bouvard en 2006, carrément ‘’Les grosses têtes’’. « Très impressionnant » se souvient Marco. Recrutement sur texte. « Il m’a reçu dans sa loge et m’a demandé de jouer mon sketch de l’huissier ! Il est petit mais il fait peur. J’ai bredouillé et il m’a bien briefé. Faites comme ci comme ça, j’ai enregistré devant un public. Bouvard m’observait et je l’ai vu rire, c’était bon ».
Rires et chansons séduit, passe ses sketches, pendant plusieurs années. La suite passera systématiquement par des castings. « C’est toujours difficile ». Son premier rôle est pour la série télé « Préjudices ».
La pub l’a beaucoup demandé, une bonne quinzaine de fois, le circuit est différent, il passe par des agences. Mais le casting demeure incontournable. « Ça tient à peu de choses ».
Intermittent depuis dix ans, Il se rend tous les ans au Festival d’Avignon, voir les potes, vivre la fête du plus grand rendez-vous théâtral au monde. « C’est un métier où tu dois toujours être visible car on t’oublie vite. Il faut savoir s’incruster, moi je n’arrive pas à forcer les portes. C’est un défaut ».
Aussi surprenant, une feuille de salaire de danseur, une autre de chanteur, et de mannequin ! …… « Avec mon physique ! », la vie est une galéjade. « Un truc de fou ». Marco l’auteur, continue d’écrire, parfois pour les autres, mais toujours dans l’urgence. Sur Facebook il nous fait partager des scènes de vie avec une plume qui s’affirme.
On l’a vu récemment dans ‘’Tout pour être heureux’’, et ‘’Ils sont partout’’.
Aujourd’hui encore, tous les amis adorent les soirées pizzas de Marco !
Philippe TRAVERSIAN
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