Biographie rimée de et par Nathalie ALEXANDRE
Prologue
Mesdames et messieurs les faiseurs de théâtre
Petits ou grands, obscurs ou sans nul grade même
C'est à vous aujourd'hui que ce discours s'adresse ;
Vous verrez que toujours je me suis mise en quatre,
Que pour choisir mes mots j'ai œuvré sans paresse
Cherchant la rime riche et le meilleur phonème.
Araminte savante ayant relu Queneau,
Exerçant mon style, nouvelle Cyrano,
Je veux vous distrayant pourtant vous informer
En déclinant pour vous ci-dessous mon CV,
Que ma carrière ne sera achevée
Qu'au jour où le théâtre, je cesserai d'aimer.
Ce désir pour l'instant ne m'ayant pas quitté
Laissez-moi sans pudeur, en toute humilité
Dérouler l'écheveau de mes expériences
Afin que vous me laissiez peut-être une chance
De travailler encore à servir les auteurs
A porter sur la scène - oh ! très insigne honneur,
Textes anciens, modernes ou contemporains
Ecrits en prose, en slam ou en alexandrins.
Episode 1
C'est aux Clowns déchaînés sous leurs cheveux obscènes
Que je dus à dix ans mes tous premiers émois :
Le virus par Mnouchkine s'était ancré en moi,
Mon destin était là, je serai comédienne.
Et pourtant à Nanterre, à l'université,
Je consacrais trois ans à mes humanités ;
D'histoire et de géo je devins professeur
Pour trois années encore d'alarmes et de pleurs.
Ne renonçant pas à mon rêve de théâtre
Je poursuivis mon but, volontaire, opiniâtre :
Enseignante le jour, histrionne la nuit,
J'étudie les classiques, interprète fébrile
Et m'essaie à la scène sous les spots qui brillent.
Episode 2
C'est à Brigitte Jaques au Studio d'Ivry
Que je dois le premier vrai rôle de ma vie,
Car de me faire jouer elle prit le risque :
Ce fut Nora dans « Mais on doit tout oser puisque… »
Tragédies, comédies, tous les textes me touchent,
Je me les mets en bouche et travaille sans répit,
Et Delbée, chère Anne, soutient mes efforts
M'encourage toujours et encore et encore.
D'Hugo je joue alors sa Marion de Lorme
Romantique putain perdue entre deux hommes,
Avant de devenir la vibrante Camille
Sculptrice de génie trahie par sa famille
Amante de Rodin et folle de son art
A qui nous rendions un hommage sans fard.
Cinq ans nous parcourûmes les routes de la France
Et même à l'étranger le succès fut immense.
Puis on joue Tête d'Or : la Princesse de Claudel
Rêve désincarné de la femme éternelle
M'accompagne deux ans, puis viendra Bérénice.
J'avais tant voulu que mon rêve s'accomplisse !
Depuis longtemps déjà j'espérais de Racine
Dire ses vers et incarner ses héroïnes.
Puis ce fut tout un cycle ; je jouais Hermione
Qui pour son amour se bat comme une lionne,
Et dans Mithridate, la loyale Monime
Qu'à son fils Xipharès il offrit magnanime.
Et vint Isabelle, l'ingénue des Plaideurs,
Un hommage à Vitez dans L'ombre du Bonheur
Dans lequel je jouais un Faust au féminin,
Et rêvant toujours de mise en scène enfin,
L'affaire de Nancy de Michel Caffier
Spectacle pour lequel je fis l'assistanat.
Dans La Guerre à deux voix de Laurence Déonna,
C'est celle de Raïssa qui m'est confiée.
Dans Wallenstein de Schiller, la jeune Thécla
Dans l'Aiglon de Rostand, Essler, Camerata
Me furent attribuées et c'est avec Shakespeare
En jouant Bianca que cette histoire expire :
Lorsque j'ai rencontré Joël Dragutin
Je m'engageais alors sur un autre chemin.
Episode 3
La Baie de Naples enfin m'éloignait des classiques
Et je m'y délectais d'un rôle très comique,
Quand revenant soudain aux amours premières
Pour de l'Ecole des Femmes contrer la critique
Je jouais Climène de Monsieur de Molière,
Dans une violente querelle comique.
Et pour rendre un hommage au grand Gérard Philipe
Nous conçûmes ensemble un spectacle en équipe.
Puis modeste copie de Michèle Morgan,
Dans Quai des Brumes, fable pleine de tristesse
Remise au goût du jour par Théâtre en Pièces
Je serai la Nelly de Pierre Mac Orlan.
Colette Roumanoff me permit de jouer
L'aventureux Pierre Caron de Beaumarchais,
Et près de Figaro dans la Folle Journée
C'est sa mère Marceline que j'incarnais.
S'écoule le temps et passent quelques années
Au Théâtre Fontaine, au Rond-Point, à Vincennes
Aux Mathurins ou bien encore à l'Athénée,
A Paris, en province ou même à l'étranger,
Au théâtre de Cergy, dans des CDN,
Je ne crois pas que les choses peuvent changer :
Je n'avais jusqu'alors jamais cessé de jouer.
J'avais aussi donné de nombreux cours et stages,
Conçu de poésie trois ou quatre montages
Donnés au Lucernaire, où je montais aussi
Découvrant le plaisir de ne pas le jouer,
Un court monologue de Williams Tennessee.
Episode 4
Puis je deviens mère et alors tout s'essouffle.
Pour gagner ma vie je deviens formatrice,
Et la prévention des toxicomanies
Me dirigeant un temps vers un nouveau domaine
M'éloigne chaque jour de mon métier d'actrice,
Lorsque retrouvant tout d'un coup un second souffle,
Je me mets à créer ma propre compagnie.
Et pour éviter que l'expérience fut vaine,
Contre les drogues j'écris alors une pièce
Qui reçoit un prix de la DMDTS.
N'ayant pas pu trouver théâtres partenaires
Pour mener avec moi à bien cette aventure
Je me tourne alors vers des choses plus légères,
Contes pour les adultes, nombreuses lectures,
Spectacles légers, faibles distributions
Qui fédèrent peu à peu un public fidèle
Nous valant l'octroi de quelques subventions.
Premier essai John et Joe d'Agota Kristof
Que j'accompagne d'un orgue de barbarie,
Et me réjouis d'un premier succès local.
L'idée me vient alors d'un spectacle musical,
Et c'est à Avignon dans le festival off
A l'instar du grand poète Bernard Dimey,
Dans ses Poèmes Voyous célébrant Paris,
Que revivent Montmartre et tous ses cabarets.
Les plumes, les chansons font les tournées faciles
Je chante dans les rues, je cours de ville en ville,
Mais me languis du texte et de Christian Rullier
Je mets en scène Le Fils, un immense chantier ;
Nous sommes trois acteurs pour jouer cent personnages.
Encore à Avignon nous partons nous montrer,
Honorés par l'auteur qui était de passage,
Par quelques critiques qui ont su nous flatter,
Heureux mais épuisés à force de tractage
Et à la vue des comptes très fort dépités.
De la musique encore viendra l'antidote
Puisque nous écrivons La Java des guinguettes
Spectacle en chansons et riche d'anecdotes.
Le public est séduit et reprend à tue-tête
Les jolis airs d'antan et les vieilles rengaines.
Nous voilà repartis sur les routes de France
Les caisses se renflouent pour nous c'est une aubaine
Nous faisant oublier la mauvaise expérience
D'un spectacle raté que nous avions commis
Et dont il ne sera plus question ici.
Enfin prête à saisir toutes les occasions
Je m'exerce deux ans à l'improvisation,
Enchaîne quelques matches puis joue de John Ford
Dans un Dommage qu'elle soit une putain,
Putana, un rôle tout à fait dans mes cordes
Pour lequel être dirigée me fait grand bien.
D'Amélie Nothomb j'adapte ensuite Mercure
Je mêle au spectacle des écrans vidéos
Et à Avignon recommence l'aventure.
Le public est content mais nous sommes KO,
Car malgré nos efforts, nos investissements
Malgré la Luna pleine et tous les compliments
Nulle part ce spectacle ne sera repris
Nous laissant dans le cœur amertume et dépit.
Deux ans plus tard pourtant oubliant mes déboires
Dans Avignon toujours, je fais la mise en scène
D'Exécuteur 14 de sinistre mémoire
Texte d'Adel Hakim rendant la guerre obscène.
Le spectacle est salué de bonnes critiques
Qui n'ont cependant pas fait venir le public.
Celui-ci, nous dit-il, préfère s'amuser
Et ne vient pas là pour se désespérer.
Cette fois c'en est trop et je suis très déçue,
Il faut, c'est évident arrêter ces folies
Mais je jure, un peu tard, qu'on ne m'y prendra plus,
Que jamais désormais ne veux de compagnie.
Episode 5
J'ai vu partir certains où j'aurais voulu être,
Ravalant mon chagrin, sans rien laisser paraître ;
Comédie française, maison de Molière
Où j'avais vu Le Cid pour la première fois
Tes portes pour jamais seraient fermées pour moi
Qui aurais tant aimé y déclamer des vers :
« Pour jamais ! Ah ! Seigneur ! Songez-vous en vous-même
Combien ce mot cruel est affreux quand on aime ! »
Et tel Don Quichotte, orgueilleuse, obstinée
J'allais donc prendre en main ma destinée !
Puisqu'écoles, théâtres, même facultés
Me confiaient souvent de nombreux ateliers
Et qu'à les animer j'avais plein de bonheur
Puisque pendant vingt ans j'ai toujours dirigé
Enfants, adolescents, adultes amateurs,
Pourquoi de professeur ne pas faire un métier ?
J'avais joué, écrit et dans la rue chanté,
Du théâtre, enseigné théorie et pratique,
Mis en scène Obaldia, Roger Vitrac, Queneau,
Jean-Michel Ribes, Anouilh, même fait machino
Pour une troupe amateur dont on m'avait chargée.
Création collective ou même cabaret,
Texte de Boulgakov pour célébrer Molière
Pour eux pendant huit ans j'inventais sans arrêt,
Costumes, scénographie, musique et lumière.
Puis pour mes étudiants ce fut Rhinocéros
Ionesco donc, Belbel, Vinaver et De Vos.
J'avais également au cours de ces années
Sans relâche continué à me former
Au cours de nombreux stages, auprès des plus grands
Dont le dernier en date est Georges Lavaudant.
De chez Pina Bausch m'entraînaient les danseurs,
De chez Peter Brook m'entraînaient les acteurs ;
Je pus chanter avec Giovanna Marini
Quelques années plus tard avec Anna Prucnal ;
Au conservatoire j'ai alors poursuivi,
Avant d'intégrer pour deux ans une chorale.
Je fis donc le bilan, j'avais de l'expérience,
Au Diplôme d'Etat j'allais tenter ma chance.
Je quittais donc Paris, pour en province vivre
Et me réfugiais pour un temps dans les livres.
Au travail six mois solitaire et studieuse
Je pris pourtant le temps de monter Pathelin
Pour les fêtes médiévales et les gens de mon coin,
Puis quand je fus reçue, en devins fort heureuse ;
Et c'est avec ardeur et une grande joie
Que je m'attelais à un Cabaret villageois
Qui laissait s'exprimer tous les nombreux talents
Que l'on trouve au pays parmi les habitants.
Amateurs et pros réunis en confiance
Firent un beau spectacle, eurent un succès immense.
mon siteEpilogue
C'est là que pour l'heure s'achève mon histoire.
Si celle-ci a su un peu vous émouvoir,
Croyez bien que toujours à travailler pour vous
Je serais prête, au service de vos projets.
Je sollicite ici un premier rendez-vous
Ou un premier contact et pour vous rencontrer
Je suis comme il se doit tout à fait disponible,
Espérant que ma voix aura atteint sa cible.
Il me reste à vous dire en toute politesse
Que mes saluts respectueux je vous adresse,
Dans l'attente du plaisir d'un jour vous entendre.
C'est là que désormais mes moindres vœux vont tendre.